vendredi 10 janvier 2020

DISCOURS DU PRÉSIDENT JOHN F. KENNEDY À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES

 DISCOURS DU PRÉSIDENT JOHN F. KENNEDY 
À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES

Le 25 septembre 1961
M. le Président, chers délégués, mesdames et messieurs :

Nous sommes réunis en une occasion d’affliction et d’épreuve. Dag Hammarskjöld* est mort. Mais les Nations Unies sont bien vivantes. Sa tragédie nous atteint au fond de nos cœurs, mais la tâche pour laquelle il est mort est en tête de nos préoccupations. Un noble serviteur de la paix s’en est allé. Mais il nous reste à accomplir la quête de la paix. 
*Dag Hammarskjöld (Dag Hjalmar Agne Carl Hammarskjöld), né le 29 juillet 1905 à Jönköping en Suède et mort dans un accident* d'avion le 18 septembre 1961, en Rhodésie du Nord (l'actuelle Zambie), est un diplomate suédois, qui fut secrétaire général des Nations unies de 1953 à 1961. Le prix Nobel de la paix lui fut décerné l'année de sa mort, à titre posthume. Son refus de choisir entre le camp occidental et le camp soviétique et son engagement en faveur des nations nouvellement décolonisées, notamment celles du Bloc afro-asiatique (il se rendit dans 21 pays d'Afrique entre décembre 1959 et janvier 1960) et contre l'Apartheid (il effectua un voyage en Afrique du Sud en janvier 1961) lui valurent cependant de nombreuses critiques et inimitiés de la part des Grandes puissances, notamment lors de la crise congolaise. Après Hammarskjöld, aucun autre Secrétaire général des Nations unies, n'osa affirmer, de façon aussi nette, l'autonomie et l'indépendance de l'Organisation vis-à-vis des États les plus puissants. Wikipédia
*voir note en fin d’article (NdT)


Le problème n’est pas la mort d’un homme – le problème est la vie de cette organisation. Elle va soit croître pour répondre aux défis de notre époque, ou elle va être emportée par le vent, sans influence, sans force, sans respect. Si nous devions la laisser mourir, affaiblir sa vigueur, saper son autorité, nous condamnerions notre avenir.
Car c’est dans le développement de cette organisation que réside la seule véritable alternative à la guerre – et la guerre ne constitue plus une alternative rationnelle. La guerre inconditionnelle ne peut plus mener à une victoire inconditionnelle. Elle ne peut plus servir à régler des différends. Elle ne peut plus concerner que les seules grandes puissances. Car une catastrophe nucléaire, répandue par le vent, l’eau et la peur, pourrait bien concerner les grands et les petits, les riches et les pauvres, les concernés comme les non-concernés. 
L’humanité doit mettre fin à la guerre – ou la guerre mettra fin à l’humanité.

Donc, prenons ici la ferme résolution que Dag Hammarskjöld n’aura pas vécu et ne sera pas mort en vain. Lançons un appel à une trêve à la terreur. Invoquons les bienfaits de la paix. Et, en élaborant notre capacité internationale de maintien de la paix, unissons-nous pour démanteler la capacité nationale à faire la guerre.
Cela exigera que les Nations Unies acquièrent une force nouvelle et assument de nouvelles missions. Car le désarmement sans vérifications n’est qu’une chimère et une communauté de nations sans loi n’est qu’une coquille vide. L’Organisation des Nations Unies est déjà devenue aussi bien la mesure que le moyen des élans les plus généreux de l’homme. Elle a déjà fourni – au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique cette année au Congo – des moyens de contenir la violence des hommes. Mais la grande question à laquelle a été confrontée cette organisation en 1945 reste encore à résoudre : que les espoirs de progrès et de paix de l’homme soient anéantis par la terreur ou les bouleversements, que les « vents mauvais de la guerre » puissent être calmés à temps pour libérer les vents rafraîchissants de la raison, et que les engagements de notre Charte soient respectés ou défiés – des engagements pour assurer la paix, le progrès, les droits de l’homme et le droit international.
Dans cette salle, il n’y a pas trois forces, mais deux. L’une est composée de ceux qui essaient de construire le genre de monde décrit dans les Articles I et II de la Charte. L’autre, qui envisage un monde bien différent, n’aura de cesse de saper les fondements de cette organisation.

Aujourd’hui est un jour particulier pour maintenir notre engagement envers la Charte. Il doit être tout d’abord renforcé par la sélection d’un fonctionnaire d’exception pour assurer les responsabilités du Secrétaire Général – un homme empreint à la fois de la sagesse et du pouvoir de rendre significative la force morale de la communauté mondiale. Feu le Secrétaire Général a nourri et aiguisé l’obligation d’agir des Nations Unies. Mais il ne l’a pas inventée. Elle était déjà présente dans la Charte. Elle est toujours présente dans la Charte. Quelle que soit la difficulté d’occuper la place de M. Hammarskjöld, elle est mieux remplie par un homme que par trois. Même les trois chevaux de la Troïka n’avaient pas trois cochers, allant tous dans différentes directions. Elle n’en avait qu’un – et il doit en être de même du gestionnaire des Nations Unies. Mettre en place un triumvirat, ou un conseil, ou une rotation de l’autorité, dans l’administration des Nations Unies, ce serait remplacer l’ordre par l’anarchie, l’action par la paralysie, la confiance par la confusion.

Le Secrétaire Général, au sens premier du terme, est le serviteur de l’Assemblée Générale. Diminuer son autorité revient à diminuer l’autorité de la seule organisation où toutes les nations, peu importe leur pouvoir, sont égales et souveraines. Jusqu’à ce que tous les puissants soient justes, les faibles ne trouveront de sécurité que dans la force de cette Assemblée.
L'action opérationnelle efficace et indépendante n’a rien à voir avec la question de la représentation équilibrée. En regard des énormes changements dans les membres de cette organisation depuis sa fondation, la délégation Américaine soutiendra toute tentative de vérification et de révision de la composition des organes des Nations Unies. Mais doter cette organisation de trois cochers – pour permettre à chaque grande puissance de décider de son côté, ce serait inviter la Guerre Froide dans le siège de la paix. Quels que soient les avantages qu’un tel plan représenterait pour mon propre pays, en tant qu’une des grandes puissances, nous le rejetons. Car nous préférons de loin la loi internationale, à l’époque de l’auto-détermination, à la guerre mondiale, à l’époque de l’extermination de masse.

Aujourd’hui, chaque habitant de cette planète doit se faire à l’idée qu’un jour, cette planète ne pourrait plus être habitable. Chaque homme, femme et enfant vit sous une épée de Damoclès nucléaire suspendue par le plus ténu des fils, capable d’être coupé à tout moment par accident, par mauvais calcul ou par folie. Les armes de guerre doivent être abolies avant qu’elles ne nous abolissent nous.
Il faut savoir qu'au dessus des gouvernements se trouve un gouvernement de l'ombre qui ne veut pas le bien de l'humanité et qui se débarrasse de tous ceux qui veulent rétablir la Paix.
Les gens ne débattent plus pour savoir si les armements sont le symptôme ou la cause des tensions. L’existence même des armes modernes – dix millions de fois plus puissantes que tout ce que le monde a connu, et à quelques minutes à peine de n’importe quelle cible sur terre – est une source d’horreur, de discorde et de méfiance. Les gens n’affirment plus que le désarmement doive attendre la résolution de tous les différends – car le désarmement doit faire partie de toute résolution permanente. Et les gens ne pourront plus prétendre que la quête du désarmement soit un signe de faiblesse – car dans la course effrénée aux armements, la sécurité d’un pays peut tout aussi bien diminuer même s’il augmente son armement. Pendant 15 ans, cette organisation s’est engagée dans la voie de la réduction et de la destruction des armes. Maintenant ce but n’est plus un rêve – c’est une question pratique de vie ou de mort. Les risques inhérents au désarmement pâlissent en regard des risques inhérents à une course aux armement débridée.
C’est dans cet esprit que la récente Conférence de Belgrade – reconnaissant qu’il ne s’agit plus seulement d’un problème Soviétique ou Américain, mais d’un problème de l’humanité – a validé un programme de « désarmement contrôlé internationalement, général, complet et strict sous contrôle international ». C’est dans le même ordre d’idée que nous aux Etats-Unis avons entrepris cette année, avec une urgence nouvelle, et avec une nouvelle agence statutaire ayant obtenu le complet aval du Congrès, de trouver une nouvelle approche du désarmement qui pourrait être assez ambitieuse bien que réaliste, assez équilibrée et bénéfique, qu’elle pourrait être acceptée par chaque nation. Et c’est dans cet esprit que nous avons présenté avec l’accord de l’Union Soviétique – à condition que les deux nations acceptent à présent « un désarmement général et complet » - une nouvelle déclaration de principes de négociation nouvellement acceptés.
Mais nous sommes bien conscients que toutes les questions de principe ne sont pas réglées, et que les principes en eux-mêmes ne suffisent pas. Il est dès lors de notre intention de défier l’Union Soviétique, non dans une course aux armements, mais dans une course à la paix – pour progresser pas à pas, étape par étape, jusqu’à la réalisation d’un désarmement général et complet. Nous l’invitons maintenant à aller au-delà des accords de principe pour s’accorder sur des plans concerts.
Le gouvernent de l'ombre a inventé la guerre froide comme toutes les guerres pour être certain du maintien des guerres en continu.

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