Royaume-Uni: Mais qui est Boris Johnson, le futur Premier ministre britannique?
PREMIER MINISTRE Désigné à la tête du Parti conservateur ce mardi, Boris Johnson succédera officiellement à Theresa May comme Premier ministre du Royaume-Uni mercredi. La victoire d’un trublion ou celle d’un pragmatique ambitieux ?
Jean-Loup Delmas
Publié le 23/07/19 à 18h25
Boris Johnson, fraîchement élu. — Ben Cawthra/Sipa USA/SIPA
Boris Johnson a été désigné chef des Tories ce mardi et prendra officiellement ses fonctions de Premier ministre mercredi après-midi après une visite à la reine Elisabeth II.
Le parcours du nouveau leader conservateur est fait de phrases chocs et de pitreries, mais aussi d’un pragmatisme qui l’aura mené jusqu’au sommet, à 55 ans.
20 Minutes dresse le portrait de ce dirigeant et de son parcours politique.
Bouffon trublion de la politique ou pragmatique avide de pouvoir ? Depuis qu’il fait partie de la vie politique britannique, Boris Johnson présente deux faces opposées. Toute la question est de savoir lequel de ces deux visages il montrera maintenant qu’il détient les clefs de Downing Street, après avoir été élu ce mardi à la tête du parti conservateur en remplacement de Theresa May.
Côté trublion, sa campagne électorale a donné à voir ce qu’il savait faire de meilleur (ou de pire, selon le point de vue) : hareng fumé brandi lors d’un meeting, multiples provocations et pitreries à l’antenne. Une attitude qui aura marqué sa vie politique, notamment en tant que ministre des Affaires étrangères, poste qu’il occupa de 2016 à 2018. Durant son mandat, il a ainsi comparé le haka des Maoris en Nouvelle-Zélande à un coup de boule ou Hillary Clinton à une infirmière sadique. Dernier acte de son passage au ministère, une démission retentissante, pour désaccord sur la nature que devait avoir le Brexit (étant lui-même favorable un « hard Brexit » si besoin sans accord).
« Une volonté de marquer la politique britannique »
« Mais Boris Johnson, c’est aussi un bilan globalement positif à Londres, où il a occupé le poste de maire de 2008 à 2016. C’est un progressiste libéral, qui a participé à faire de la capitale anglaise une ville moderne et multiculturelle », rappelle Agnès Alexandre-Collier, docteure en science politique de l’Institut d’études politiques de Paris et experte de la politique britannique.
Certes, son bilan a été un peu remis en question, certains arguant que la bonne gestion de la ville était plus le fruit du travail de son équipe que le sien. « Dans ce cas-là, ça montre qu’il sait bien s’entourer, une qualité plutôt importante pour un politique. Ce n’est pas qu’un homme à la communication mordante, c’est aussi un très grand pragmatique », note la chercheuse.
Elle pointe notamment « une avidité du pouvoir et une volonté de marquer la politique britannique. » Volonté plutôt bien réalisée, puisque en tant que figure de proue des pro-Brexit, ex-maire de Londres et ex-ministre, à 55 ans, Boris Johnson « est un incontournable de la vie politique britannique. Un tel parcours, on n’y arrive pas uniquement en faisant le pitre », tranche la docteure.
Un parcours ultra-classique
C’est pour cela notamment qu’Agnès Alexandre-Collier refuse l’idée que Boris Johnson serait un Donald Trump britannique, dont la carrière politique vivrait sur et par des provocations : « Trump n’était personne en politique au moment de son élection, c’est un électron libre. Boris Johnson a une carrière politique beaucoup plus classique et formelle. C’est un pur produit de la politique politicienne. »
Né en 1964 à New York, fils d’un eurodéputé britannique et d’une mère artiste, Boris Johnson est un court temps journaliste avant de se lancer dans la politique à la fin des années 1990. En 2001, il obtient une circonscription dans l’Oxfordshire. Première victoire qui en appelle d’autres.
Le Brexit comme déterminant
Le Brexit a été un carrefour dans sa carrière. Après avoir vanté le maintien dans l’Union européenne, signant un texte décrivant l'« aubaine » d’une telle position et prophétisant un « choc économique » en cas de Brexit, il fait volte-face deux jours plus tard et rejoint les pro-Brexit, annonçant le 21 février 2016 qu’il souhaite sortir de l’UE. Un acte de scission au sein du Parti conservateur, dont la plupart des gros leaders sont pro-européens, notamment le Premier ministre de l’époque, David Cameron.
Boris Johnson profite alors de cette absence de personnalité forte pour devenir la tête de gondole des pro-Brexit. Quitte à parfois falsifier la réalité, comme lorsqu’il annonce que le Royaume-Uni envoie 350 millions de livres à l’UE chaque semaine. La vérité se chiffre à 2,5 fois moins environ. Il est poursuivi pour mensonge. La Haute Cour de Londres parle d’accusations « politiquement motivées » et les annule.
La revanche de 2016
2016 est pourtant l’histoire d’un rendez-vous manqué. Boris Johnson ne sait pas capitaliser sur la victoire surprise du Brexit, et c’est Theresa May qui prend la place de Première ministre. « Il a souffert des guerres intestines du Parti conservateur, où les candidats se sont tous entretués, si bien qu’à la fin il ne restait que May », explique la docteure.
Revanche est donc prise trois ans plus tard. Mais pour le nouveau Premier ministre, peut-être que le plus dur commence. « Son cas est loin de faire l’unanimité, même au sein des conservateurs, rappelle Agnès Alexandre-Collier. Il va falloir unir et rassurer les nombreux sceptiques de son propre camp, sinon son règne pourrait être extrêmement court. Il a tout intérêt à redevenir le pragmatique plus que le clown. »
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