Article épinglé

Aujourd'hui, j'attends que l'humanité commence à voir la vraie vérité.

  Christine Rousseau Aujourd'hui à 9:27 Vous vous êtes abonné John Fitzgerald Kahlooni Jr. Aujourd'hui, j'attends que l'huma...

dimanche 2 décembre 2018

Général Soubelet : « Nos élites ont perdu de vue leur rôle qui est de servir les autres » Par Bertrand Soubelet


Général Soubelet : « Nos élites ont perdu de vue leur rôle qui est de servir les autres »
Par Bertrand Soubelet
Publié le 23/11/2018 à 17:00


FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour le général Bertrand Soubelet, Carlos Ghosn, à l'instar des élites étatisées, a délaissé sa mission et préféré servir son ambition personnelle plutôt que l'entreprise dont il avait la charge.

Général de corps d'armée, ex-numéro trois de la gendarmerie nationale, Bertrand Soubelet est l'auteur de Tout ce qu'il ne faut pas dire (Plon, 2016), ouvrage sans concessions sur la situation de la France, et Sans autorité, quelle liberté? (éd. de l'Observatoire, 2017). Il est également vice président d'Objectif France et entrepreneur.

Coup de tonnerre dans l'industrie internationale.


Le PDG de l'alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi est mis en cause par la justice japonaise pour soupçon de dissimulation de revenus.

Carlos Ghosn, considéré comme un des grands capitaines de l'industrie automobile est le symbole de la réussite d'un grand patron mondialement reconnu qui assume d'immenses responsabilités.

Il est l'archétype du succès dont les mérites sont reconnus, avec une rémunération qui donne des vertiges, au point de susciter des polémiques il y a dix ans déjà.


Quelle différence avec les patrons d'industries, propriétaires de l'outil de production !

Sans préjuger des suites judiciaires dans une affaire politico-industrielle aux enjeux considérables, ce nouvel épisode met en lumière deux questions importantes.

La première concerne le modèle de «grands patrons» que produit la France, même si le cas de Carlos Ghosn est atypique, et la deuxième nous renvoie encore à l'éthique des élites de notre pays.

Finalement le profil et la formation des chefs d'entreprises français révèlent des constantes. Depuis au moins 20 ans beaucoup de nos fleurons industriels sont entre les mains de cadres et de patrons «hybrides» sortis de plusieurs grandes écoles à la fois: Polytechnique, École des Mines, HEC et parfois l'ENA.

Cette endogamie est frappante à l'étude du cursus des responsables de Thalès, Safran, Alstom, Renault, EDF, Airbus,Total, Engie, Air France notamment, de ces dix dernières années.

Leurs compétences et leur légitimité ne sont pas en cause et pour la plupart ils réussissent. Mais à quel prix?


Ces excès résultent de la conception bien française d'hommes « providentiels ».

Et quelle différence avec les patrons d'industries propriétaires de l'outil de production! Le rapport à l'entreprise, aux salariés et à la rémunération est fondamentalement différent. L'entreprise est un patrimoine à préserver et la vision à long terme l'emporte sur les dividendes à servir aux actionnaires.

J'ai beaucoup de respect pour ces entrepreneurs plutôt «familiaux» car ils sont en majorité, discrets, toujours dans la mesure et producteurs d'équilibre social dans la durée.

» LIRE AUSSI - Jour J au Japon pour l'avenir de Carlos Ghosn

Cette différence avec les groupes précédemment cités est accentuée en raison du rôle de l'État actionnaire qui pèse très lourdement dans la nomination des PDG. Ils sont désignés de manière quasi-discrétionnaire et cette légitimité, donnée à la fois par une sorte d'esprit de caste et la tutelle de l'État, peut mener à des excès.

Ces excès résultent de la conception bien française d'hommes «providentiels» qui concentrent entre leurs mains des responsabilités écrasantes. La réussite s'évalue par des niveaux de rémunération qui deviennent un critère et une référence mais qui précipitent parfois les intéressés dans des comportements irrationnels savamment masqués.

Personne n'ignore le statut et le train de vie de quasi-chef d'État de Carlos Ghosn mais cela était admis en raison de ses résultats au plan national et international.

Ma conviction est que ce modèle est dangereux, porteur d'un message social et sociétal pernicieux. Malgré les apparences, il favorise trop souvent la stratégie personnelle y compris pécuniaire plutôt que la réussite collective.

C'est la raison pour laquelle l'éthique des dirigeants est essentielle.

Et elle donne de sérieux signes de faiblesse. Certains parlent de «nos élites» mais très sincèrement nos élites ne se trouvent pas du côté des dirigeants qui sont capables d'exiger des sommes considérables pour faire leur métier en s'assurant toujours d'une porte de sortie confortable.

Elles ne se trouvent pas dans cette forme de mélange entre l'entrepreneur «haut fonctionnaire» et l'homme providentiel aux accents de mercenaire.

Elles ne se trouvent pas dans des hommes capables d'imaginer pouvoir contourner les règles au nom de leur réussite ou de leur notoriété.


L'éthique des dirigeants est essentielle. Pourtant elle donne de sérieux signes de faiblesse.

Elles ne se trouvent pas non plus dans cette arrogance souvent dissimulée derrière de l'austérité ou de la bonhomie.

La grande méprise de nos «élites» est de perdre de vue, consciemment ou pas, la quintessence de leur statut: être au service des entreprises, et pour le service public, être au service du bien commun.

L'ambition personnelle ainsi que le désir de réussite et de reconnaissance sont respectables mais ils ne doivent jamais prendre le dessus. Et lorsque les excès d'ego se traduisent par la recherche du pouvoir personnel parfois exprimé en termes financiers, la notion d'élite vole en éclats.

Les dirigeants considérés comme l'élite sont observés par des centaines, des milliers, des centaines de milliers et parfois des millions de personnes. En réalité ils ne s'appartiennent plus et les exigences qui en découlent sont nombreuses.

Les deux plus importantes devraient faire l'objet d'une très grande attention dans les grandes écoles dont ils proviennent car il est capital de «grandir en responsabilités» avec cette culture.

Celle de l'honnêteté et de l'exemplarité à la fois dans leur parcours de dirigeant et dans leur vie personnelle car cette cohérence est indispensable.

Le manque de ces deux vertus mène aux dérives qui font la une des journaux et discrédite aussi, malheureusement, tous les dirigeants, chefs d'entreprises, de groupes familiaux discrets et producteurs de richesse économique et humaine.

Ceux-là aussi gagnent très bien leur vie ce qui est normal lorsqu'on exerce de hautes responsabilités.

Mais ils font généralement preuve d'une autre qualité essentielle que ne connaissent pas les «élites étatisées»: la modestie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire