mardi 27 novembre 2018

Emmanuel Macron, président illégitime d’une «dictature»? Une intox Facebook affirme que la France n'a plus de constitution depuis le 1er janvier 2017





Emmanuel Macron, président illégitime d’une «dictature»? Une intox Facebook affirme que la France n'a plus de constitution depuis le 1er janvier 2017

FAKE OFF Une intox affirme que la France n'a plus de Constitution depuis le 1er janvier 2017 et qu'Emmanuel Macron n'a donc aucune légitimité en tant que président de la République...


Alexis Orsini
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Publié le 26/11/18 à 17h10 — Mis à jour le 26/11/18 à 17h36
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Emmanuel Macron à Madrid, le 26 juillet 2018. — Benjamin Cremel/SIPA

Un décret publié au Journal officiel en décembre 2016 alimente depuis deux ans une intox récurrente.
A l'en croire, celui-ci entraînerait la nullité de la Constitution et, par extension, la non légitimité d'Emmanuel Macron et de son gouvernement, élus dans une « dictature » dont on ignorerait l'existence.
Si la rumeur est particulièrement partagée en plein mouvement de protestation des « gilets jaunes », elle reste une pure intox sans fondement juridique, comme nous l'explique une juriste à 20 Minutes.

Le slogan « Macron démission », populaire parmi certains « gilets jaunes », s'appuierait-il sur une réalité juridique méconnue de la plupart des Français ?

Sur les réseaux sociaux, nombre d’internautes relayent depuis plusieurs jours un texte affirmant que le président de la République et son gouvernement sont illégitimes… au motif que la Constitution française n’est plus en vigueur depuis plus d’un an, soit avant la tenue de l'élection présidentielle de 2017.

« Je viens de vérifier pendant deux bonnes heures, Macron n'est pas président légitime car nous n'avons plus de Constitution depuis la loi du décret de [Valls] du 5 décembre 2016 entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Ainsi nous ne sommes plus dans la 5ème République et nous n'avons plus de Constitution. Donc toutes nos lois depuis sont illégales, notre gouvernement est illégal, nous sommes en dictature!!!!! » affirme ce texte repris massivement par des utilisateurs de Facebook comme de Twitter.


Normand français@Normandie2015



#GiletsJaunes - URGENT - La France n'a plus de constitution depuis le 1er janvier 2017 (décret Valls n°2016-1675). La Vème republique est abolie. Toutes les élections depuis cette date sont donc illégales. De nouvelles élections doivent être organisées. #Macron
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15:57 - 19 nov. 2018
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C’est aussi ce qu’affirme une internaute dans une vidéo visionnée plus d’un million de fois : « Le 5 décembre 2016, Manuel Valls, Premier ministre sous Hollande, a décrété placer l’autorité judiciaire - donc l’un des trois pouvoirs – sous le contrôle direct du pouvoir exécutif. […] L’article 16 des droits de l’Homme [dit], je cite, "toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs effectuée, n’a aucune Constitution". Il faut qu’il y ait les trois pouvoirs parfaitement séparés – l’exécutif, le législatif et le judiciaire – pour que la Constitution soit Constitution. Sans ça, elle n’est pas Constitution. »

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« Techniquement parlant, officiellement parlant, depuis le 1er janvier 2017 et l’application de ce décret, la Constitution de la Ve République n’est pas valable, elle est morte » poursuit l’internaute avant d’appeler les futurs manifestants à se « servir » de cette information lorsqu’ils se trouveront face aux « CRS » ou à « l’autorité publique ».

Aussi inquiétante soit-elle, cette affirmation n’a rien de véridique : le décret en question est bien entré en vigueur à la date indiquée, mais il n’entraînait pas la « nullité » de la Constitution.
FAKE OFF

« C’est n’importe quoi. […] Un décret ne peut pas abroger la Constitution au motif qu’il n’est pas constitutionnel. Seule une procédure de révision de la Constitutionpourrait l’entraîner » indique à 20 Minutes Valérie Nicolas, maître de conférences en droit à l’université Paris Nanterre.

En l’occurrence, le décret pointé du doigt, en date du 5 décembre 2016, ne plaçait pas « l’autorité judiciaire sous le contrôle direct du pouvoir exécutif », contrairement à ce qu’affirme la vidéo virale mais entraînait la création d'une « inspection générale de la justice ».

« Le décret regroupait trois inspections déjà existantes au sein d’une inspection générale unique de la justice. La fonction juridictionnelle relève des magistrats, mais l’organisation du service public de la justice relève du pouvoir exécutif, dans le respect de la séparation des pouvoirs » précise Valérie Nicolas.Le post Facebook sur la prétendue dictature en place depuis 2017. - capture d'écran
Une intox qui circule (et évolue) depuis deux ans

A l’époque, ce décret avait toutefois été particulièrement remarqué grâce à une demande d’explications adressée par la Cour de cassation au successeur tout juste nommé de Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, dans laquelle elle affirmait : « Par simple décret du Premier ministre […], la Cour de cassation […] est placée sous le contrôle direct du gouvernement par l’intermédiaire de l’inspection des services du ministre de la Justice, en rupture avec la tradition républicaine observée jusqu’à ce jour. »

« Dès lors qu’un audit peut être décidé pour vérifier le fonctionnement de l’institution judiciaire, on peut se demander à quel point l’exécutif ne s’immisce pas outre-mesure [au-delà de ses compétences], ce qui permet de comprendre l’émotion [de l’époque]. Mais de là à donner naissance à une telle intox… » soupire Valérie Nicolas.

La rumeur est en effet loin d’être récente : on trouve plusieurs occurrences de ces affirmations sur la « dictature » silencieuse en vigueur dans l’Hexagone dès 2016, notamment sur le site complotiste Stop Mensonges. Elle continue d’être partagée depuis sous différentes formes, et donne lieu depuis un moment à des critiques sur la non légitimité d’Emmanuel Macron et de son gouvernement.

Les internautes qui tiennent cette rumeur pour authentique méconnaissent en outre doublement le fonctionnement de l’institution judiciaire puisque le Conseil d’Etat a annulé, en mars 2018, l’article 2 du décret incriminé... au motif qu’il bafouait l’indépendance de la Cour de cassation.
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